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Odile Rudelle

Date of death: Friday, 2 August 2013

Number of Readers: 185

Known asOdile Rudelle

Specialtyhistorienne, spécialiste du gaullisme

Date of birth 6 December 1936

Date of death 2 August 2013

Odile Rudelle (6 décembre 1936 - 2 août 2013) est une historienne, spécialiste du gaullisme.
Elle a été maître de conférences à l'Institut d'études politiques de Paris (1992) puis directeur de recherches au CNRS-Centre d'étude de la vie politique française contemporaine (Cevipof) (2007).
Elle a été nommée chevalier de la Légion d'honneur en 1997 et officier de la Légion d'honneur en 2009.
"Aux confins de l’histoire, du droit et de la science politique, elle a interrogé avec une finesse peu commune la tradition républicaine et le libéralisme politique dans la longue durée" d'après Pascal Perrineau, ancien directeur du CEVIPOF. 
Pour ressaisir le fil de la pensée d’Odile Rudelle, il faut en revenir aux événements politiques qui ont marqué sa jeunesse et suscité ses premiers questionnements. À cet égard, la chute de la Quatrième République en mai 1958 constitue une étape majeure sur laquelle elle reviendra à plusieurs reprises. Cet événement est au cœur de sa pensée, car il cristallise les blocages d’un vieux « problème constitutionnel », qu’elle n’aura de cesse d’explorer au cours de ses recherches. En mai 1958, Odile Rudelle a vingt et un ans, est étudiante à Sciences Po, et assiste à la chute de la Quatrième République « sans comprendre ». Pourquoi une guerre de décolonisation avait-elle entraîné la chute du régime ? Cette question, que « personne ne se posait à l’époque », est véritablement le point de départ de ses interrogations. Cinquante ans plus tard, Odile Rudelle mettra en avant l’«exténuation du modèle républicain » pour expliquer la défaite du régime pendant la guerre d’Algérie. En effet, le modèle de la République parlementaire à la française, se revendiquant d’une « tradition républicaine » élaborée au XIXe siècle, était à bout de souffle et la cause de son échec est de nature institutionnelle. « Si la IVe République est morte de la guerre d’Algérie, c’est que sa Constitution la rendait incapable de penser le lien entre la séparation des pouvoirs et la garantie des droits individuels dans ces trois départements d’outre-mer »[5]. En réalité, la République parlementaire à la française, « République d’un jour », n’avait pas résolu le « problème constitutionnel » posé par la Révolution française.
En 1789 s’est ouverte « une crise politique » que la France mettra cent-soixante-neuf ans à résoudre. Quel est ce « problème constitutionnel » ? Il résulte du fait que la Révolution française a échoué à transcrire dans un texte constitutionnel stable les droits et libertés qu’elle a proclamés. Odile Rudelle souligne ainsi « la difficulté d’une révolution qui, aspirée par l’avenir, n’a pu se terminer par une Constitution ». Aussi distingue-t-elle deux phases dans la Révolution française : celle de la Déclaration des droits de l’Homme jusqu’en août 1789 et la phase constitutionnelle qui débute en septembre 1789 lorsque l’Assemblée nationale refuse de doter le pouvoir exécutif du droit de dissolution ou du droit de veto. Or, Odile Rudelle montre que la phase constitutionnelle de la Révolution française n’a pas su s’approprier les droits et libertés proclamés en août 1789. L’instabilité constitutionnelle de la France résulte de cette divergence initiale. « Loin d’apporter le bonheur des Droits de l’homme, la Révolution Française a inauguré un cycle politique conflictuel où le couple liberté-égalité oscilla entre désordre et dictature».
Plus précisément, la République issue de la Révolution française n’a pas réussi à assurer la séparation des pouvoirs et la garantie des droits auxquels faisait pourtant référence l’article 16 de la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen. C’est un point central de la pensée d’Odile Rudelle qui permet de comprendre le jugement sévère qu’elle porte vis-à-vis des IIIe et IVe Républiques, qui ont repris à leur compte des principes révolutionnaires sans répondre aux exigences de l’article 16. « Surgie dans l’urgence de circonstances exceptionnelles, la république se dit aussitôt « une et indivisible », dans une proclamation mieux apte à faire le lien avec le passé patriotique d’intégrité territoriale qu’avec les exigences du gouvernement de la liberté proclamé en 1789 […]. Ce qui explique que ces deux symboles de la séparation que sont la division du pouvoir législatif ou l’existence d’un chef du pouvoir exécutif extérieur à l’Assemblée élue ne seront jamais vraiment acceptés par le courant démocratique issu de 1793 ». C’est pourquoi la France, « pays exportateur de constitutions », dut « attendre fort longtemps avant de réussir à organiser l’alternance pacifique et régulière de gouvernements républicains à l’intérieur d’un même cadre constitutionnel ». Ainsi se formule le problème constitutionnel de la France sur lequel finit par buter la République parlementaire.
Odile Rudelle a largement exploré les causes de l’instabilité constitutionnelle de la IIIe République qu’elle appelle « République d’un jour » et qui, dans la filiation des deux premières Républiques et des Lumières, veut apporter le Progrès et la Justice, mais qui contrairement aux deux Républiques précédentes s’inscrit progressivement dans une tradition,  la « tradition républicaine », qui va peu à peu paralyser le régime. Si le gouvernement indirect, issu de la hantise du 2 décembre 1851, a permis au régime de s’installer dans la durée, ce système a montré ses limites dès 1919.  La « République d’un jour » n’ayant pas construit de légitimité reposant sur des institutions stables, a été contrainte de se replier sur des valeurs morales telles que la « défense de la tradition républicaine » s’apparentant à une « lutte du Bien contre le Mal »: elle était donc vouée à l’échec. Au cours de ses travaux, Odile Rudelle s’est attachée à montrer les blocages institutionnels de la République parlementaire - sacralisation du rôle du Parlement garant d’une légitimité de gauche, mode de scrutin inadapté à l’émergence de gouvernements stables dans l’entre-deux guerres, refus du vote des femmes – autant d’éléments symptomatiques d’une décadence du régime.
La « tradition républicaine », notion élaborée sous la IIIe République et faisant référence à un passé révolutionnaire glorieux a occulté le problème constitutionnel posé par la révolution de 1789, ce qui explique les blocages institutionnels du régime. La notion de  « tradition républicaine »,  inventée par Gambetta et Ferry et  revendiquée pour la première fois par René Waldeck-Rousseau en 1900, connut ses heures de gloire pendant l’Affaire Dreyfus avant d’entrer en décadence à partir de 1919, conduisant à l’échec du régime. Il faut bien comprendre que la notion de « tradition républicaine » n’est pas a priori négative sous la plume d’Odile Rudelle. Mais c’est l’usage abusif de cette notion qui a conduit à la stérilisation du régime. Cette tradition républicaine était « destinée à se figer dans la contemplation de sa splendeur jusqu’au désastre final de 1940 ».
Odile Rudelle explique les blocages institutionnels et le « désastre final » par l’infirmité de l’architecture institutionnelle de la Troisième République qui ne retient pas deux éléments essentiels du constitutionnalisme que sont la séparation des pouvoirs et la garantie des droits.
La République parlementaire n’assure pas la séparation des pouvoirs car elle donne une prééminence au Parlement et au gouvernement indirect. Ces éléments sont hérités de la hantise de voir se reproduire le coup d’État de 1851. Depuis lors, les républicains considéraient qu’ils avaient à défendre une citadelle assiégée et se sentaient menacés par le suffrage universel direct. D’où la pratique du gouvernement indirect. Odile Rudelle montre qu’il en résulte une confusion des pouvoirs exécutif et législatif qui induit un fonctionnement défectueux des pouvoirs publics. Non seulement l’exécutif, qui est à la merci du Parlement, est incapable d’agir de manière efficace, tandis que le Parlement lui-même, qui usurpe une part du pouvoir exécutif, ne remplit pas la fonction qui devrait être la sienne, à savoir l’expression de la pluralité d’intérêts qui constituent la nation française.  
Cette « usurpation » se révèle être un handicap pour le pouvoir législatif lui-même.  De fait, Odile Rudelle estime que, sous la IIIe République, le Parlement  ne remplissait pas sa fonction de compromis entre les intérêts des différents segments de la population française. Sa fonction principale est en réalité de légitimer le gouvernement.
De même, le pouvoir exécutif émanant du Parlement n’a pas un pouvoir d’action suffisant pour garantir l’efficacité de l’action de l’État. Le Président de la République, élu par l’Assemblée nationale, est cantonné à un rôle purement symbolique depuis la crise du 16 mai 1877, puisque son droit de dissolution ne sera plus jamais utilisé.  Seuls les ministres sont responsables devant l’Assemblée, mais leur pouvoir d’action n’est valable que dans le cadre de la légitimité que leur accorde le Parlement.
Au lieu d’exercer pleinement le pouvoir législatif, le Parlement est devenu le garant d’une légitimité que ne peut détenir le pouvoir exécutif en l’absence d’une Constitution organisant la séparation des pouvoirs et la garantie des droits individuels. Cette légitimité repose sur des principes moraux au lieu de s’appuyer sur un texte constitutionnel. « Inapte au compromis, le Parlement français excellait […] à définir l’orthodoxie du régime […]. [Il] se sentait investi d’une fonction quasi-religieuse ». L’incapacité de la Constitution à désigner des sources de légitimité est un des éléments de la sclérose du régime.  
De même, l’autorité judiciaire ne trouve pas une expression suffisante pour assurer une garantie des droits satisfaisante. Les lois constitutionnelles de 1875 évoquent peu la justice. Sous la Troisième République, l’idée d’un contrôle de constitutionnalité de la loi paraît absurde. Ce qui s’est traduit par l’échec de la tentative de constitutionnalisation des droits de l’homme en 1901. La justice est soumise à la loi votée par les parlementaires. La méfiance à l’égard de la justice est héritée de la Révolution française. « La justice fut dès l’origine la parente pauvre de la Révolution française. L’Ancien Régime avait reconnu le droit de remontrance des Parlements : l’Assemblée nationale de 1789 limiterait donc le rôle des tribunaux à l’application d’une loi, dont l’interprétation lui est réservée. »
Odile Rudelle estime que c’est l’École laïque qui a partiellement assumé le rôle d’une justice presque inexistante. Comme le Parlement, l’École devient le garant de principes moraux qui ne sont pas définis par la Constitution et ne peuvent pas être défendus par la justice. Cette méfiance à l’égard de la justice conduit la république parlementaire à chercher dans l’éducation civique - plutôt que le jugement des tribunaux - la garantie de la « vertu » de citoyens appelés à devenir législateurs. 
La défense de principes moraux conduit la République parlementaire à se renfermer sur elle-même. « Aux possibilités concrètes de recours devant les citoyens ou les tribunaux, la troisième République préfère un strict discours d’orthodoxie laïque, discours incantatoire de fidélité à la « Tradition républicaine » Ainsi la méfiance à l’égard de la justice et la prééminence du pouvoir législatif ont fait de l’École laïque et du Parlement les garants de principes moraux, alors que la défense de ces principes aurait dû être assurée par la justice et l’organisation des pouvoirs publics. 
Plus généralement, la Troisième République a souffert d’un « oubli constitutionnel », qui s’explique notamment par la dévaluation du constitutionnalisme par le bonapartisme entre 1800 et 1870. C’est l’usage frauduleux de deux éléments clés du constitutionnalisme –ratification populaire et contrôle de constitutionnalité—qui a contribué à la méfiance des républicains vis-à-vis d’une Constitution instaurant une procédure entre pouvoir exécutif et suffrage universel, ainsi qu’une garantie des droits individuels. Si les lois constitutionnelles de 1875, rédigées sous l’influence des libéraux, assuraient une séparation des pouvoirs, l’usage qui en est fait à partir de 1877 consacre la victoire de la République parlementaire. « Contemporain de l’établissement de la troisième République, l’échec de ce constitutionnalisme de séparation des pouvoirs fut le vice, longtemps oublié, de ce régime. ». Aussi Odile Rudelle va-t-elle jusqu’à parler de la « tragédie constitutionnelle d’une République condamnée à s’immobiliser dans une sclérose dont l’effet pervers s’illustrera au lendemain de la victoire. En d’autres termes, ce qui avait été scellé en 1877 portait les ferments de la décadence de l’entre-deux guerres. « En renonçant à l’usage de la dissolution, la République parlementaire à la française condamnait le constitutionnalisme fondé sur l’idée de « recours », que ce soit devant le peuple du suffrage universel ou la Justice constitutionnelle ».
Ainsi comprend-on mieux l’affirmation suivante, figurant en conclusion de la République Absolue : « Ne faut-il pas plutôt voir dans cette république interdisant l’alternance, une République « absolue » plus héritière de l’Ancien Régime que praticienne du libéralisme ? République une et indivisible comme le monarque avait été un et souverain, la République absolue est celle qui s’enferme dans la citadelle du gouvernement indirect pour refuser que le peuple soit appelé à trancher de questions vitales. »
Si la « République d’un jour » avait signé l’échec du constitutionnalisme, la république constitutionnelle inaugurée par le Général de Gaulle, « République de toujours », le réhabilite. Examinons désormais ce qu’est cette « République de toujours », qui bien qu’ayant vu le jour récemment, est le fruit des réflexions d’un vieux courant de pensée dont Charles de Gaulle est l’héritier.
En 1944 a lieu « le rétablissement de la légalité républicaine » dans la  fidélité aux « lois de la République ». Le Général de Gaulle s’inscrit dans une continuité, en témoignent les textes juridiques de la France Libre publiés en 1940 et 1944 qui proclament la continuité d’une République, qui « en droit n’a jamais cessé d’exister », et la « fidélité aux lois de la République », fidélité aux Droits de l’Homme de 1789, socles d’une légitimité constitutionnelle. Pourtant, dès 1946, le Général de Gaulle se heurte à l’incompréhension de ces concitoyens. « Praticien d’une liberté en actes, il est récusé en raison de sa persévérance à prôner la nécessité de la continuité du pouvoir exécutif, continuité qui est seule capable de résister aux risques de dictature, qui menace tout pouvoir républicain, dès lors qu’il est divisé et affaibli. Voilà qui sonne très étrange, pour les tenants d’une culture républicaine, habituée à voir dans la nature exclusivement parlementaire de la République, le meilleur rempart contre l’arbitraire du pouvoir exécutif. »
Pour comprendre l’incompréhension entre De Gaulle et ses contemporains en 1946, il faut étudier le « système de références » du Général de Gaulle, son « régime d’historicité »[, qui explique ses choix entre 1940 et 1944, son combat en 1946 et son rôle décisif en 1958. Odile Rudelle fait ici référence à une histoire constitutionnelle plus longue. Le Général de Gaulle aurait ainsi eu une mémoire historique plus longue que celle de ses contemporains.Les lectures de jeunesse du Général de Gaulle éclairent ses choix politiques. Un des grands apports d’Odile Rudelle est de s’être intéressé aux lectures de jeunesse de Charles de Gaulle. Ceci lui permet d’en déduire une parenté du Général de Gaulle avec les chrétiens libéraux du XIXe siècle et d’exclure toute comparaison avec le bonapartisme.  Ses découvertes se fondent sur la publication des Carnets de captivité en 1916. En effet, pendant ses années de captivité entre 1916-1918, Charles de Gaulle a lu Le Correspondant, une revue du catholicisme libéral fondée en 1829, et dont plusieurs auteurs ont contribué à la rédaction des lois constitutionnelles de 1875.
Après 1877, la revue du Correspondant sera la seule à défendre l’existence d’un président séparé du Parlement et doté d’un pouvoir de dissolution. Aujourd’hui, la revue est tombée dans l’oubli car elle a versé dans l’antisémitisme pendant l’Affaire Dreyfus. Il est important de noter que Charles de Gaulle n’a pas lu le Correspondant de la fin du XIXe siècle, antisémite, mais le Correspondant du Second Empire, c’est-à-dire l’opposition des chrétiens libéraux à l’Empire.
L’étude du Correspondant et de ses grandes figures lui permet d’explorer « la psychologie de l’homme d’action » et d’éclairer la pensée institutionnelle du Général. Son idée est que le Général de Gaulle devait avoir de « solides certitudes intellectuelles et morales » pour lancer son appel du 18 juin malgré la défaite et s’opposer à la Constitution de 1946 en dépit de l’approbation générale des trois grands partis. Ces convictions morales et politiques sont à rechercher dans Le Correspondant. « La lecture du Correspondant du temps de la IIIe République » permet de « faire l’archéologie » des discours fondateurs du Général de Gaulle On y découvre la « généalogie d’un patriotisme constitutionnel » qui a été d’abord pensé par des catholiques libéraux. « Ce constitutionnalisme catholique est à distinguer aussi bien du catholicisme social […] que du catholicisme intransigeant. »
Le Général de Gaulle n’a donc pas la même culture que les républicains classiques, ses références appartiennent à une histoire plus ancienne, celle du « patriotisme constitutionnel » des chrétiens libéraux du XIXe siècle.
 

Source: wikipedia.org

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